Aujourd’hui plusieurs grands média ont relayé la petite phrase du directeur financier de Vivendi, Philippe Capron. Autour de la question des déploiement de la fibre : « il n’y a aucun revenu, aucun service supplémentaire à mettre en face d’investissements considérables. Cela peut simplement encourager un peu plus le téléchargement illégal de films ».
On veut faire des fournisseurs d’accès (FAI) les boucs émissaires des téléchargements pirates. La quasi symétrie des débits (les offres offrent souvent 100 Mbits en download pour autant en upload, 50 Mbits/s dans certains cas) ne fait pas l’affaire des ayant droit qui voit simplement leur film plus facilement échangé. Mais en attendant, l’utilisateur lambda n’a pas grand chose à se mettre sous la dent !
Le raisonnement de Monsieur Capron pourrait sembler juste si on ne regardait pas d’un peu plus près ce qui a mis l’industrie de la musique en échec :
- L’interopérabilité : les DRMs (gestion des droits numériques) appliqué à la musique ont été un échec. Ils sont coûteux, lourds à mettre en place et par conséquent nuise à une large diffusion. Sur la vidéo, on est arrivé au même résultat : DRM omniprésents. On commence à voir apparaître des plateforme « portables » en ligne mais on est loin d’avoir de la qualité HD. Hulu par exemple propose ses vidéo avec un résolution de 480 lignes, soit plus pauvre qu’un DVD qui lui compte 576 lignes.
- L’offre : la musique en ligne a eu du mal à trouver sa voie. C’est Apple avec un couple baladeur/portail facile d’utilisation qui a ouvert la voix. D’autres ont essayé. A chaque fois, c’était trop compliqué et les majors voulaient absolument leurs DRM. Echec cuisant. Pour la vidéo, on recommence et ce n’est pas faute d’avoir un cadre capable de diffuser de manière sécurisée. Les boitiers ADSL du marché (NeufBox, LiveBox et autre Freebox) sont totalement capables de diffuser des programmes en HD. Pourquoi une offre si faible ? Les clauses de contrat serait-elles trop restrictives ?
- Le beurre, l’argent du beurre, la crémière… Il fallait aussi continuer de vendre des CD-Audio alors même que les lecteurs n’existaient plus (vous vous rappeler les Discman ?). Il est amusant de faire le parallèle avec les DVD qui ont aujourd’hui encore une place importante progressivement complétés par l’offre haute définition Blu-Ray. Le marché des lecteurs DVD est arrivé à saturation et les lecteurs HD, encore fort onéreux laissent de la place aux média center (allez voir à la Fnac !). Et l’histoire se répète. Pousser la vidéo à la demande permettrait sans aucun doute pour l’utilisateur lambda de consommer plus de film pour moins cher. 5 € de location d’un film HD pour 24h laisse un budget de 6 films pour l’équivalent d’une seule galette Blu-Ray qui servira pas tant que ça… sauf à la passer à quelques connaissances du cercle familial fraîchement équipé.
Laissez les fournisseurs d’accès déployer leur réseau de fibres, le manque d’innovation ne vient probablement pas d’eux. Ils ont su construire des socles techniques sécurisés de part la nature fermées de leur réseau. La magie du réseau est telle qu’il est aussi possible de développer des offres sans eux, juste sur le réseau publique. Il faut que l’utilisateur ait envie de consommer : il faut que le produit soit simple à consommer à un prix raisonnable.
J’attends personnellement une revanche, un Free de la vidéo par exemple. CDiscount est très timide, Orange, SFR/Neuf et Free doivent faire face à des réticences des gestionnaires de catalogues qui rendent l’offre inintéressante. Restent les pionniers comme TF1 Vision ou CanalPlay qui demandent un assouplissement des conditions de diffusion. C’est en cours mais clairement l’arsenal juridique ne facilite pas la progression.
A lire ailleurs :
- Très joliment titré par ElectronLibre.info : La fibre du pirate
- ZDNet.fr : Pour Vivendi, la fibre optique ne sert qu’à encourager le piratage
- Et pendant ce temps en Asie : La Corée va surfer à 1 Gbps d’ici 2012